• Là où naissent les nuages...

    L'Utopim'ste vous raconte des histoires #1

    En souvenir d'un voyage en Italie au travers d'une vallée des nuages qui a inspiré cette petite histoire ;)

    Là où naissent les nuages...

    ~ Prologue ~


    
Dans une vallée perdue à l’est, entre les deux plus hautes chaînes de montagnes du continent : les Cris de Banshees et les Monts des Erynnies, coulaient les Néphélées. Des petits torrents entrelacés que l’on pouvait entendre chanter joyeusement. Malheureusement c’était tout ce qu’on en discernait. On ne pouvait contempler guère loin, au travers de la brume qui stagnait en permanence dans le creux du vallon. Elle était là, envahissant le petit village paisible, comme à son habitude. C’est de cette vallée cachée parmi les hautes montagnes que provenaient les nuages de la totalité du globe. C’est là qu’ils naissaient pour ensuite rejoindre le monde extérieur. Là, au cœur de la vallée des Néphélées. En contre-bas du village, se tenait un grand et profond lac, tout aussi calme et tranquille. Celui-ci aurait pu refléter le paysage environnant, s’il n’était pas caché par les nuages bas qui s’y formaient perpétuellement.


    
C’est là aussi, dissimulés, bien à l’abri du monde extérieur, que vivaient les bergers des nuages, chargés de veiller sur eux. Le hameau de Kuraokami, devenu ce village au fil du temps, leur servait de logis. Il était constitué de quelques petits chalets de bois, que le campanile rythmant le quotidien des bergers, dépassait de quelques mètres. Il sonnait avec allégresse chaque mélodie à toute heure du jour et de la nuit. On ne le distinguait parfois qu’à peine avec les yeux, mais ses sons mélodieux étaient eux perceptibles à plusieurs kilomètres à la ronde. Lors des Grands Départs cependant, il sortait de sa brume perpétuelle. Ces jours là, lorsque les premiers vents soufflaient, dégageant le village des nuages bas qui l’encombraient, sa forme se détachait clairement. Résonnait alors loin dans la vallée une symphonie incroyable. Elle annonçait la mise en marche des troupeaux groupés de nuages vers le reste du monde. Bien que presque invisible le reste du temps, il était toutefois là, fier et droit, trônant au milieu de ce village tranquille et serein que rien ne perturbait. Personne n’était encore parvenu à remonter la source des nuages, et pénétrer dans la vallée des Néphélées. Personne non-plus, dans le hameau, n’avait eu encore l’idée ou l’envie de partir à la découverte du monde extérieur et de sortir de la vallée secrète. Tout y était si calme et paisible, comme les bergers eux mêmes.


    
Le cycle se déroulait ainsi. D’abord les nuages naissaient au dessus du lac de l’Oiseau-Tonnerre, sombre, vaste et profond. Ils grandissaient, dans la vallée des Néphélées, aussi appelée vallée des nuages. Ensuite, quand se levait les vents d’Autan, ils se mettaient en marche, et partaient vers le monde, guidés par les bergers des nuages. Les gardiens les accompagnaient jusqu’à la sortie de la vallée perdue, aux Portes du Soleil. Tel en était-il depuis la nuit des temps, et tel en serait-il jusqu’à la fin du monde. Ils vivaient ainsi en parfaite harmonie avec la nature qui les environnait et en autarcie complète. Bien trop occupés par leurs propres tâches ancestrales, ils se moquaient bien de savoir comment marchait le reste du globe et étaient bien contents d’en être ignorés...

    En effet, pour eux leur petit monde commençait sous les cascades de l’Esprit du Vent et s’arrêtait aux Portes du Soleil, là où les Néphélées se jetaient dans le vide. Le précipice ainsi formé, constituait une barrière naturelle qui surplombait une grande étendue d’eau. Plus grande que le lac, elle s’étendait à perte de vue, scintillante d’or. Elle reflétait le soleil, presque inconnu du reste de la vallée des Néphélées, prise elle, sous une constante masse de nuage. Sur cette immense étendue d’eau dorée s’affrontaient les vents de toutes directions qui murmuraient en permanence. C’est donc naturellement que les bergers avaient fini par nommer cet endroit la Grande Plaine d’Eau ou les Murmures Dorés.


    
Les bergers qui habitaient la vallée cachée, perdue au cœur des deux hautes chaines de montagnes étaient des grimpeurs hors-pairs. Ils étaient très endurants, habitués à un climat et à une vie rudes. En effet, pour rejoindre le village depuis le lac de l’Oiseau-Tonnerre, là où naissaient les nuages, il fallait remonter le passage d’Eol. Pour cela, ils devaient passer par une sente sinueuse, très à pic, qui s’aventurait jusque sous les chutes de l’esprit du Vent. Les cascades, parfois gelées lors des Grands Froids, étaient capricieuses et dangereuses. Surtout de par les nombreuses bourrasques qui s’y engouffraient, glaçant l’atmosphère qui y régnait. Kuraokami, le village des bergers, se situait tout en haut du col des Sylphes, à plus de 2 500 m d’altitude. Ce n’était pourtant pas le col le plus haut des deux chaines montagneuses qui l’entouraient, mais l’ascension en était ardue et réservée à des alpinistes chevronnés, expérimentés et, bien entendu, équipés. Rejoindre le village depuis le lac prenait, à minima, deux bonnes heures de marche. La descente était elle plus rapide fort heureusement.


    
Le voyage vers les Portes du Soleil était lui encore plus long, et bien que moins ardu, il pouvait s’avérer tout aussi dangereux. Il prenait une bonne semaine à achever, et ce, afin de traverser la vallée à pied de bout en bout. Les bergers l’effectuaient en groupe généralement, à tour de rôle. Car à chaque arrivée des vents d’Autant, ils guidaient l’amas de nuage accumulé dans la vallée des Néphélées. A la basse saison, celle de l’Autant Blanc, annonciateur de beau temps, les bergers pouvaient effectuer le trajet deux fois par mois. Par contre, lors des Autants Noirs, chargés de pluie, cela pouvait aller jusqu’à six fois, pour les mois les plus chargés. Il fallait évacuer rapidement les nuages grisâtres et orageux, avant qu’ils n’éclatent sur la vallée des Néphélées. Ces trajets là étaient plus fastidieux et arriver au bout était un soulagement. Les monts jumeaux, Fuujin et Raijin, qui gardaient l’entrée de la vallée des nuages, de part et d’autres des Portes du Soleil, n’étaient visibles que lorsqu’on touchait au but. C’est pour cela que les bergers les vénéraient autant que des divinités. Le rite initiatique pour devenir un vrai berger accompli, était d’ailleurs de les atteindre en 7 jours seulement, durée d’un cycle des vents d’Autant Noir ou Blanc. Chacun des habitants de Kuraokami avait effectué au moins une fois ce trajet dans sa vie à l’exception peut-être des chefs de clan : les Attaviti.


    
Les vents d’Autant provenaient eux des grottes profondes qui creusaient la roche sous les chutes de l’Esprit du Vent. L’accès en était interdit aux bergers des nuages. Même si l’idée ne leur serait jamais venue de remonter à contre-vent les tunnels glacials de ces cavités profondes pour en connaître l’origine. Ils ne s’y aventuraient qu’en périphérie et seulement pour y rencontrer leur chef de clan, généralement un ou une sage, renommé(e) invariablement Attaviti. Il ou elle vivait là en ermite et en gardait symboliquement l’entrée. En plus de ce rôle particulier de sentinelle qui lui était totalement dévolu, on lui rendait généralement visite pour connaître en avance l’arrivée des vents d’Autant, ou pour tout autre évènement météorologique affectant la vie du village. Ainsi les bergers pouvaient mieux se préparer aux Grands Départs, mais aussi à chaque épreuve de leur vie de gardien des nuages. A la fois veilleur, sage érudit, conseiller, et encore bien d’autres choses, l’Attaviti était indispensable aux bergers. Il ou elle se devait donc de ne quitter le village sous aucun prétexte.

    Car seul(e) l’Attaviti possédait le don d’Aeolus, celui de lire précisément les vents. Tout enfant naissant avec ce don était alors confié à l’Attaviti en place, pour qu’il ou elle transmette son rôle de chef du village. Quand il ou elle estimait que son successeur était prêt, l’ancien chef de clan s’aventurait dans les boyaux gelés des grottes venteuses et inhospitalières pour y mourir, cédant ainsi sa place. Et ainsi naissait un ou une nouvelle Attaviti qui perpétrait le nom et servait à son tour de guide pour le peuple paisible des bergers des nuages.


    Tel en était-il depuis la nuit des temps, et tel en serait-il jusqu’à la fin du monde...
    



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