• Traduction : tout est une question de nuance

    J'ai toujours eu du mal à traduire d'une langue à l'autre. J'aurai fait une très piètre interprète et c'est d'ailleurs la raison principale qui m'a décidée à bifurquer de mes études de LCE allemand au profit de la géographie. Ce qui me bloquait le plus dans les traductions et versions que nous passions de l'allemand au français ou du français à l'allemand et qui me bloque d'ailleurs encore souvent... c'est cette question de nuance. Parfois même trop souvent à mon goût le mot que l'on veut traduire n'a pas d'équivalent exact dans l'autre langue. On s'en approche mais c'est pas tout à fait ça, non pas assez... Ou pire ! Il n'existe tout simplement pas dans la langue. Auquel cas comment le traduire ? Car toute langue véhicule des valeurs culturelles, des idées et des images derrière tout emploi de mot  je vous avais déjà parlé de cette notion dans un article précédent sur le thé. Le mot traduit va non seulement, dépendre du contexte d'utilisation, mais aussi du récepteur et de l'émetteur ainsi que de leur propre prisme culturel...

    Pour illustrer ces propos un bon exemple en allemand est sans doute le Fernweh, vous connaissez peut-être déjà le Heimweh de heim = domicile / foyer et weh = douleur / mal qu'on pourrait se contenter de rapprocher du "Mal du pays" français mais en vérité, c'est tellement plus... Puisque c'est le manque du foyer, de la maison, qui représente la nostalgie d'un petit cocon confortable, plus centré sur sa ville natale, son village d'origine ou sa maison de famille, lié à l'affection qu'on lui porte que du "pays" au sens large. Donc le Fernweh de fern = distance et weh = douleur / mal lui c'est un peu l'opposé, il représente l'envie de partir en mettant une distance avec le lieu où je me trouve actuellement, d'aller loin, être en mal de voyager après le confinement qu'on a vécu on comprend beaucoup mieux cette notion de "nostalgie du voyage" ^^. Pour essayer de vous en faire une idée plus précise : si le Heimweh c'est le désir et la nostalgie de retourner chez soi, quand on est un peu casanier, le Fernweh c'est un peu le désir et la nostalgie de partir dans des pays loin ou inconnus pour les aventuriers. Deuxième exemple et non des moindre, parlons aussi de mots maux quotidiens ! Avec le Ohrwurm, "le ver d'oreille", qui signifie avoir une chanson en tête dont on arrive pas à se débarrasser les fans incontestés de Kaamelott auront une image précise de ce que peut être le Ohrwurm... Et proposeront peut-être de le nommer en français une "Volette" (ou pas) mais ça prouve bien que c'est véhiculé par une culture, puisque lié à des éléments culturels français, en l’occurrence ici, une série TV.

    Et c'est comme ça que je retombe sur mes pattes ! ;)

      Avant de traduire, il faut tout mettre sur la balance et soupeser. Je dois savoir exactement comment je vais traduire chaque mot et les imbriquer pour en faire des phrases afin que le public cible saisisse les informations données tel que l'émetteur les a transmises. Ainsi la traduction s'appuie d'abord sur l'interprétation "que veut réellement dire l'auteur ?" puis sur la réinterprétation pour ses auditeurs, plus ou moins attentifs...  Il faut aussi prendre en compte le prisme culturel des récepteurs. Au risque de se retrouver face à un échec critique de transmission ! C'est notamment ce qui fait que l'humour traduit est parfois une tâche des plus ardue... Dans cette catégorie, je citerai Les Bronzés font du ski, un film qui fait rire tout français par ses caricatures, mais laisse de marbre les allemands qui sont loin de comprendre l'engouement. Et pour cause... En effet le comique est bien trop basé sur des habitudes culturelles et historiques françaises de "vacances à la montagne annuelles" où chacun peut reconnaitre les travers de certaines personnes qu'il/elle connait ou a déjà rencontré, renforcé à l'extrême. Les allemands n'ont en aucun cas ce rapport mis en avant dans le film aux vacances d'hiver et au ski. Ils ne peuvent donc pas regarder ce film en néophyte, le contexte culturel, historique ainsi que les habitudes françaises doivent être connues pour en comprendre tous les tenants et les aboutissants et en profiter au maximum. C'est aussi le cas de films asiatiques qui se sont plus ou moins mal transportés jusque chez nous. Certains nécessitent une connaissance particulière de la culture et/ou des rouages contextuels du pays émetteur sans parler de film de propagande historique... que je mets de côté, je pense que Parasite de Bong Joon-Ho est un de ces films qui mérite de le voir en connaissance de cause sans quoi on passe à côté du message Et c'est bien pour cette raison qu'il existe des remakes de films. C'est une manière de garder et de transmettre l'histoire et le concept de l’œuvre, tout en s'adaptant à son nouveau contexte culturel et historique mais aussi de rentrer dans les codes du public visé. Cela permet de faire traverser les frontières à des films qui n'auraient pas eu la chance de le faire sans ces changements. Et bien entendu, d'un autre côté, il y a l'argument du marketing... En Asie souvent quand le film ou le drama fait un carton dans le pays, on surfe sur la vague et on réadapte à sa sauce en remettant au goût du jour, et au goût des fans... Car oui, généralement, les fans d'une œuvre se tournent (très) souvent sur les remakes pour comparer, si vous en doutiez ^^

     Bref ! La traduction c'est un métier !

    Une excellente version française d'une œuvre étrangère culte demande un travail impressionnant pour obtenir une bonne réception dans les meilleures conditions. En plus de l'intérêt du plurilinguisme, de l'ouverture culturelle et de la VO,  qui mériteraient tout un autre article, On voit bien que la traduction relève selon son contexte de toute une palette de nuance !

    Il vous faut une autre preuve ? A Berlin lors de l'échange franco-allemand, on nous a raconté une anecdote amusante. Lors de la recherche d'un traducteur pour des fins de rédaction de traité franco-allemand, devant une assemblée attentive de personne, à la question, "Nous avons besoin d'un traducteur qui pourrait s'en charger ?" en allemand dans le texte la réponse du premier candidat fut "mich". Soit l'équivalent mot pour mot du "moi". L'interlocuteur de lui répondre un "Non, pas vous de préférence." Pourquoi  ?? A dû s'insurger le "vous"... Eh bien parce que ce "moi" en français peut être à la fois complément d'objet direct ou indirect pour reprendre le "je" dans une phrase, mais aussi comme c'est le cas ici... sujet ! La tournure française emploie en effet le "moi" comme sujet de réponse quand le verbe est éludé. En gros on abrège "je veux m'en charger" en "moi" sujet. Ce qui est impossible en allemand. Etant donné qu'ils ont un système de déclinaison auxquels ils se tiennent, pas comme les nombreuses exceptions françaises ^^ ils vont employer eux la notion de "je" sujet au nominatif soit "ich" et non mich ou même mir (même si ce sont les équivalents du moi respectivement déclinés à l'accusatif et au datif en fonction de l'emploi comme COD ou COI dans la phrase). Comme quoi, des fois, à une lettre près...

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  • Commentaires

    1
    Nuddeline
    Dimanche 21 Mars 2021 à 22:23
    Excellent !!
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